samedi 16 avril 2016

les fortifications de Verviers























          


            Ici, il ne faut pas s’y méprendre : Verviers ne fut jamais une place forte, subissant (telle sa voisine Limbourg) des sièges historiques. À l’époque envisagée, dès qu’un bourg atteignait une certaine importance, on l’entourait de murailles : il s’agissait de le protéger contre les bandes de pillards ou le passage des armées ; la nuit, on fermait les portes de la ville et les habitants jouissaient de quiétude au milieu de l’enceinte. 

              Selon les estimations de l’historien « en 1563 le bourg de Verviers comptait environ 750 familles, réparties comme suit : 324 à Verviers, 65 dans le Hodimont verviétois, 26 à Andrimont, 21 à Neuville, 19 à Neufmoulin, 136 à Stembert, 68 à Heusy, et 91 à Ensival ». Plus récemment, Paul Bertholet a pu reconstituer, d’une manière très suggestive, la vie à Verviers au XVIIe siècle.

             C’est à cette époque que la ville se dote d’une enceinte qui englobe une superficie non négligeable de terrains vagues. Les fortifications étaient surtout importantes au sud de la ville, depuis la porte d’Ensival jusqu’à celle de Limbourg en passant par la porte de Heusy, reliées entre elles par des murailles renforcées d’un bastion de deux demi-lunes, et de la tour de Bassy.


 Au nord, la Vesdre offrait une défence naturelle et Verviers n’était protégé que sur son flanc nord-ouest, avec la porte de Saucy, la tour aux Rats et la porte des Mezelles. La rivière est, en outre, un facteur de peuplement. Traversant l’agglomération d’est en ouest, elle creuse son lit dans un vallon encaissé, flanqué au nord d’une colline abrupte et, au sud, d’une succession de terrasses propices à l’habitat. 


           Avant 1660, on assiste à un véritable « afflux de population vers une ville en pleine expansion ». la capitation de 1649 a permis à Paul Bertholet d’établir qu’à cette date 80% de la population vit de l’industrie drapière : 569 serviteurs, servantes et apprentis, 114 ouvriers spécialisés, 483 artisans et petits drapiers, 122 marchands drapiers, marchands de laine et petits marchands-drapiers 


   

                 L’alimentation ne fait vivre qu’environ 5%, les métiers du métal, du bâtiment, du cuir, de l’habillement 7.5 %, les agents de l’administration 2.1%, les professions libérales 1.1%. L’intérêt de ce recensement réside également dans le fait qu’il a été fondé sur une répartition par quartiers : le premiers comprend la Brassine, probablement Crapaurue et le  Grand Werixhas, le deuxième Sommeleville, probablement le Marché et la rue de Heusy, le troisième, Hodimont, Spintay, Trou de marteau, Petit Werixhas, Alentour de l’Hôpital. 

          Le développement de la draperie n’est cependant pas continu et harmonieux. Le désir d’un gain rapide entraîne plusieurs faillites, d’autre part, la forte immigration provoque un phénomène de prolétarisation, qui est accompagné, suivant les conclusions de Paul Bertholet, d’une certaine concentration du capital.

Cette distorsion va amener variété et contraste dans les types d’architecture urbaine. 

             D’une part, les maisons modestes à pans des bois, construites par les « plaqueurs », ouvriers spécialisés   dans la fabrication et le placement des torchis ; d’autre part, les maisons bourgeoises et les hôtels de maîtres. 

           Du point de vue de l’aménagement urbain, le pavage des rues qui s’amorce dans la seconde moitié du XVIIe siècle va de pair avec l’amélioration de la distribution d’eau : les fontaines publiques font partie intégrante du décor architectural. En outre, plusieurs couvents – Carmes, Récollets, Capucins, Sépulchrines, Récollectines, Conceptionnistes – avec leurs chapelles et leurs églises ponctuent de leur masse le centre de la ville. 

         Du XV au XVIIIe siècle, on assiste au phénomène traditionnel de la fragmentation de la paroisse primitive : en 1591, Stembert, Heusy et Mangombroux, en 1626, Ensival, en 1730, Andrimont et, par voie de conséquence, à un développent d’entités socio-économiques autour des sanctuaires. 
 

         



             La maison la plus ancienne que l’on ait conservée date vraisemblablement de la fin du xve siècle. Sis au 2, rue de la Tuilerie, elle est dénommée « Maison du Prince ».





             

               On relève la présence de maisons à colombage rue des Raines (maison Lambrette), en Crapaurue (maison Moulan), ainsi qu’aux 4 et 6 place Sommeleville. 
    
            De 1950 à 1968, Albert Puters a été le patient analyste  de L’architecture privée dans la région verviétoise.       
 
         
           L’équipe de l’Inventaire du Patrimoine monumental de la province de Liège a fait son profit de cette savante étude, tout en y apportant, à plusieurs reprises, des correctifs parfaitement compréhensibles. Il en va de même de l’ouvrage classique de Maurice Pirenne sur Les Constructions verviétoises.
               
          En décrivant la Maison Moulan, en Crapaurue, construite vers le milieu du XVIIe siècle, Albert Puters a décelé la présence de pierres de réemploi sculptées à modénature gothique et se croit autorisé à supposer que « Verviers possédait une maison en pierre déjà au XVIe siècle, si pas à l’époque gothique ». C’est peut-être s’avancer un peu loin, du moins en ce qui concerne l’habitation privée, puisqu’il est attesté, suivant Maurice Pirenne, que la nouvelle Halle, édifiée de 1527 à 1530, était partiellement en maçonnerie. 


          En ce qui concerne l’architecture à laquelle on applique la dénomination de Renaissance mosane, il est frappant de constater que son style, à Verviers, est considérablement simplifié par rapport aux exemples liégeois. Elle semble également avoir joui d’une longévité remarquable. Cependant, la prospérité économique que connaît l’agglomération au cours des XVII° et XVIII° siècle va provoquer chez les grands industriels un souci de rénovation architecturale : le style mosan fait place, progressivement, à partir du dernier tiers du XVIIe.
       
               Aucune trace ne subsiste de ces fortifications ; la porte de Heusy  fut la dernière à être démolie (mai 1863). 


           Il est toutefois intéressant de reconstituer ce que fut cette enceinte créée au 17e siècle. 



           Dès 1627, on procède à l’érection d’une partie de l’enceinte ; en 1634, les portes de Sommeleville, Hodimont et Ensival voient le jour ; après l’octroi à Verviers du titre de ville (1651), l’enceinte est complétée par les Portes de Heusy, de l’Hôpital et des Grandes Rames.

Porte de Sommeleville ou de limbourg


              Les capucins, ordre religieux, s’installèrent à Verviers au XVII siècle. Non sans difficulté, ils obtiennent du Prince-Evêque l’autorisation de fonder un couvent en notre ville. , Après la tour Quentin en Sècheval, 

              Ils construisirent dans une prairie en Sommeleville, hors les portes de Limbourg, un couvent adossé aux murs de la cité (1685-1690). Vu l’occupation Française les religieux furent expulsés et le couvent transformé en Usine. La statue de la vierge, placée dans une niche, au côté Est de la place, provient de la façade de l’ancien couvent et par conséquent de la porte 



                          M.Pirhenne

            

            









      

Porte de Hodimont ou d'Espagne

              Jusqu’à la fin du XVIII° siècle Verviers et Hodimont étaient deux communes bien distinctes ; Ce n’était pas uniquement un limite communale qui les séparaient, mais bien une frontière entre états. 

          Verviers relevait du Maquisart de Franchimont et Hodimont du Duché de Limbourg, sous domination Espagnole. Naturellement, cette porte fut dénommée Porte d’Espagne. Elle était située au lieudit Foxhalles sur le Pont neuf qui enjambait le ruisseau de Dison qui délimitait les deux Communes

               
        .                   .

                                   Endroit approximatif de la porte




          Porte d’Ensival ou de Xhavée

               Après la « Brassine « place Verte actuelle) de verts campagnes prolongeaient celle-ci.  

                   C’est à hauteur de l’actuelle entrée du bassin de natation, que se trouvait la porte d’Ensival dénommée aussi « porte de Xhavée ». A cet endroit, il y eut aussi un octroi ; une maison subsiste avec son toit en bonnet d’Evêque.


                




             




               





                        Le pont de bois de l’Hôpital nouveau (rue Renier) construit en 1670 étant fermé par une porte, la Vesdre constitue un obstacle naturel jusqu’à la Porte des Grandes Rames ; ensuite, c’est la digue qui longe le canal conduisant l’eau au moulin ; de l’autre côté du canal  se dresse la Porte de Sècheval, nommée aussi de Sommeleville ou de Limbourg, à côté du couvent des Capucins ;  ici, des murailles rejoignent la Porte de Heusy, à travers ce qui étaient des prairies et le vieux chemin de Stembert ; un petit fort y est encastré.

Porte du Pont en bois ou  de l’Hôpital nouveau

               Le pont constituait la limite entre Verviers et Andrimont , cette voie (ancien chemin d'Andrimont ) partait de la porte  d'Andrimont ou de l'hôpital nouveau .Andrimont (mont Adri faisait partie du ban de Verviers. 

               A l'emplacement de la porte un octroi a été  érigé (cfr cet article)



La porte du Brou 






          

















                  L’enceinte se prolonge au Sud, épousant à peu près le tracé de la rue du Palais actuelle, à travers des prairies ; à l’endroit où aujourd’hui se situent les rues modernes de l’Escalier et de la Colline, une porte fermait la ruelle Mangay (actuelle rue de Rome) venant de la Place Verte et passant dans les terrains qui furent utilisés lors de la création de la voie ferrée ; de là, on gagnait la Porte d’Ensival située en Vieille Xhavée (cfr. Cette rue), puis celle du Brou, à l’hauteur du Canal où la rivière constituait de nouveau une défense naturelle ; puis venait, sur la rive Nord, la Porte de Hodimont, Spintay inclus, puis par les Foxhalles, on gravissait les Mézelles ; une tour carrée en pierre, la « Tour aux Rats » (1673) dominait la ville.

             Bastion de la ruelle Magay 

                         Depuis des siècles, la place de la Brassine (Verte) marquait la limite sud des surfaces bâties.
                         Un chemin partait suivant le tracé Nord-Sud (ru!e de Rome actuelle). Cette voie ( principale à l'époque permettait de rejoindre les bourgs de Theux, Franchimont, Spa etc.


                         Il  franchissait, plus ou moins à hauteur des escaliers actuels, les remparts. Très fréquentée ce chemin fut aussi appelé " chemin des remparts car un bastion y avait été construit.
                


                      


                   

   

      









       


  
Porte du Brou.

        Au XVII°  siècle finisait à la rue Jardon et se heurtait aux fortifications ou une porte y avait été dressée. 





Porte de Heusy


             Le tracé de la rue de Heusy, où fut construit la porte, est bien ancien; c'est le chemin qui reliait la modeste bourgade de Theux, via le hameau de Heusy

                La construction de la porte a eu pour effet de séparer les maisons qui longeaient la voie de Stembert de la cité proprement dite et d'en faireun petit faubourg.

                Elle fut démolie en 1863 


 


 

  

Porte des Mezelles   

                  En plus de la porte située au début des Mézelles, existait une grosse tour carrée, nommée Tour aux rats. Les récollets en assurèrent la démolition, tout comme ils avaient contribué à l'érection des murailles. Cette tour servait de guet pour la bourgade.



               

            














                     Par le chemin des Heids, on atteignait le couvent les Récollets, préservé par une porte et les murailles de ce couvent, puis de celui des Sépulchrines, , longeant la Vesdre, on retrouvait la Porte du pont de l’Hôpital nouveau, ce qui nous fait achever notre périple autour des fortifications de Verviers, aujourd’hui disparues ; leur achèvement datait de 1675. 

           En effet, les guerres de Louis XIV en amenèrent la démolition dès … 1676, soit un an après leur achèvement. À part la « Tour aux Rats », démolie par les Récollets dès 1678, les Portes subsistèrent quelque temps : jusque 1800 pour celle de Limbourg ou Sommeleville, et 1863 pour celle de Heusy, la dernière en date à survivre. 

 pour infos



   


   Le Conseil communal de Verviers décidait, le 8 Juillet i895, d’adresser au Ministre de l’intérieur, une demande de vérification et de confirmation des anciennes armoiries de la ville.

 Cette demande fut renvoyée à l’examen du Conseil héraldique. Celui-ci donna, le 8 Janvier 1896, un avis favorable, sauf en un point : la ville de Verviers n’avait aucun droit au port de la couronne murale, attribut réservé aux places fortes.
L’Administration établit par des documents officiels que Verviers avait été fortifié, et le Roi, par diplôme du 6 janvier 1898, autorisa la ville de Verviers à reprendre l’usage de ses anciennes armoiries :
Coupé, en chef : d’argent à trois lions de sinople, posés deux et un, couronnés d’or, armés et lampassés de gueules ; en pointe : aussi d’argent, à la branche de chêne au naturel, englantée d’or ; l’écu surmonté d’une couronne murale d'or. Devise : « Vert et Vieux ».
Ainsi l’existence des fortifications de Verviers avait été mise en doute dans une circonstance bien officielle. Cependant, pour avoir eu une durée éphémère, ces fortifications n’en ont pas moins une histoire assez curieuse et il nous a semblé qu’il ne serait pas inutile d’en faire l’objet d’une notice spéciale.
Cette étude est basée sur l’examen de nombreux documents reposant aux archives de Verviers. Elle se divise en trois parties: l’origine, l’érection et la démolition des fortifications.


                         ORIGINE DES FORTIFICATIONS

  Le pays de Liège avait solennellement déclaré, en 1478, vouloir rester neutre. Cette neutralité qui avait été formellement reconnue par les puissances voisines, fut loin   d être toujours respectée, la principauté ne fut que trop souvent mise à feu et à sang par les belligérants, et nos ancêtres furent amenés, à différentes époques, à prendre diverses dispositions pour mettre le pays à l’abri de toute agression.

  Semblable fait se produisit en 1624 : les Etats du pays de Liège consacrèrent la quatrième partie des impôts à la sûreté générale, comme nous l’apprend la pièce suivante :


Acceptation de son Alteze par qu’elle appert les Estats du Pays retiendr le quatrye denier pour la nécessité des fortifications.


Son Alt. Sme, ayant veu la responce donnée par les deux Estats pst de son pays de Liège, sur la proposition faite à la journée dernière,' reçognoit suffisamment l’affection et
promptitude qu’ils portent à son service et à subvenir aux nécessités publicques, s’accomodans de sa demande', et com­bien qu’elle eust fort désiré que d^un comun accord, l’on s’eust résoud de lui donner les moyens en mains pour pou­voir entretemps -farnir à ses obligations et guarantiret d’indemniser tant mieux ses subjets, néanmoins considérant que la conjecture déplorable du temps et la calamité en laquelle se retrouve son pays à cause des vôlleryes, brigandages, branscatte, allogements, passade et rapassades de gens de guerre d’une parte et d’autres, ne leur permetteroit de s?es- largir davantage, elle accepte de très bone parte ce que ses- dits deux Estats prtf luy ont .accordé et ne manquerai d’en faire raport à sa Majesté impériale, et d’employer tous autres bons offices à. leur advantage et pour leur solagement, les assurant de son affection entière envers cest sienne province liégeoise, se contentant que sesdits Estats ayent la quattre parte de chasque des moyens accordé pour leur né­cessité publique laquelle leur ferat suyvre et mettre incontinent lesdits recès en exécution avecq l’assistance desdits députéz.
Fact. au palays épiscopal de son Altesse de Liège ce

14 maye 1624.
                                                                     (Signé) Ferdinand.


Verviers était devenu la localité la plus importante du marquisat de Franchiront ; l’industrie drapière y était florissante, sa population se montait à plus de 7000 âmes ; de plus Verviers était situé à l’extrême frontière du. pays de Liège, tout proche de la place forte de Limbourg. Ces diverses circonstances amenèrent tout naturellement les autorités supérieures à donner des « ordres et commandement touchant les "barri cadements et cloiture" dudit bourg »
i.
Cette décision provoqua au sein de la population verviétoise un émoi considérable suivi bientôt d’une vive opposition. Le magistrat se vit obligé d’en référer au Prince-Évêque. Le 16 janvier 1625 

 celui-ci porta le décret suivant :

                                                                    16 Janvier 1625.
Ferdinand, par la grâce de Dieu, etc., etc.

   A tous ceux qui ces présentes verront ou lire orront, salut : scavoir faisons, que de la parte des bourgmstres et comunalté de nostre bourg de Vervier, nous at esté remons- tré qu'il soit bien délibéré d effectuer nos ordres et com- mandemt touchant les barricadements et cloiture dudit bourg pour servir dasseurance contre les dangers du temps présent et autres qui pourroyent survenir, mais qu aucuns de nos subjets de leur ressourd feroyent difficulté d’y contribuer leurs devoirs paines et moyens au détriment du publicque, suppliant très humblement qu’il nous plaise accorder nos lettres de commandements en ce cas opportunes et nécessai­res, c’est ppurquoy que nous, ce considéré, ordonnons et commandons à nos dits bourgmestres et comunalté de point seulement barricader et refermer ledit bourg par les meil­leurs moyens et fasson qu’il trouveront convenir pour l’as­surance, mais encore de constraindre les réfractaires d’y coopérer par toutes voyes de prompte et paratte exécution, les ayant à cette fin autorisé, coe les autorisons par les pré­sentes.

Doné en nostre cité de Liège, le saizième janvier mille six cent vingt-cinq.

Les ordres étaient formels : les habitants furent obligés de s’incliner.
L’année 1625 fut consacrée à l’examen des voies et moyens.
L’an mille six cent 2^, le 26 jour janvier, nous les mayeur, eschevins, bourgmres et 12 commissaires du ban de Vervier, estant assemblé sur nostre salle et après avoir meurement ad.visé l’ordonnance et octroyés qu’il at plu à son Alt. Sme prince en son conseil privé nous donner, avons or- doné à Renard de Stocquis et Herman de Bebrone, am.be deux nos bourgmaistres modernes de faire ériger des portes aux advenues de nostre bourg de Vervier en premier lieu commencer à Someleville et rualle de Heuzier.

Avant de conclure, il est nécessaire de signaler la version de certains 
auteurs : d’après eux, au commencement du XVIIe siècle, des Verviétois avaient conçu l’ambitieux projet d’obtenir pour leur cité le titre de bonne ville parce que ce titre lui donnait le droit de représentation aux Etats du Pays; mais qu’on y mettait des conditions fort onéreuses, principalement celle de fortifier Verviers : Verviers se serait fortifié à seule fin d’obtenir le titre de bonne ville. Il y a là une assertion qui est en contradiction avec les documents de l’époque.

En effet, nous avons vu qu’en 1624 les Etats du Pays de Liège prenaient des mesures de sûreté concernant la Principauté tout entière. De plus, le 29 janvier 1626, le Conseil de Verviers donnait aux bourgmestres l’ordre de commencer les travaux par les portes de Sommeleville et de Heusy, et ce n’est que plusieurs années après qu’il est fait mention de la demande des Verviétois. 

Le plus ancien document date de 1632; il en existe d’autres, tous conçus dans le même esprit — c’est une lettre, adressée par le P.-E. au magistrat de Verviers.

Ferdinand, etc. Chers et aymés, comme pour votre bien et conservation et autres raisons à ce nous mouvantes, si- gnamens en cest conjecture de temps, nous trouverions expédient que nostre bourg de Vervier fust fortifié à l’imitation d’aucunes villes de cestuy nstre pays, c’est pourquoi vous avons bien voulu ordonner de le fortifier au plustoz y faisant travailler nos subject qui ce touche, par corvées, ce estant accomplis, nous tacherons de faire les devoirs conve­nables la parte qu’il conviendra^ affin que puissiez jouir des mesmes privilèges et immunitéz et franchise que les autres villes de cestuy pays, et, tant chers et aymés, Dieu de mal vous garde. Liège, ce 21 de mai i632.

Cette lettre nous apprend qu’au moment même où les fortifications s’élevaient, le magistrat de Verviers était en instance pour obtenir le droit de bonne ville, Le chiffre de sa population , l’importance de son commerce et de son industrie n’auraient certes pas permis d’accueillir cette demande  par un refus.

Mais le Prince profita de la circonstance pour activer l’achèvement des fortifications et il répondit : « Achevez d’abord de vous fortifier, et après nous tacherons de vous donner satisfaction ». Telle doit être la cause de la méprise de : certains historiens.

Que si Ton objecte qu’il s’agissait de Venceinte de murailles (car il y a eu deux espèces d’enceinte, comme nous le verrons plus loin) il suffira de faire remarquer que l’enceinte de murailles a été construite postérieurement au di­plôme de i65i ; si l’enceirite de murailles avait été une condition sine qua non, on eut attendu son achèvement avant d’accorder le privilège de ville.

Nous concluons donc que les fortifications de Verviers devaient leur origine, non pas à son érection en ville, mais bien à la situation troublée de l’époque et faisaient partie d’un système de défense générale du Pays de Liège.

CHAPITRE II
               
                        ERECTION DES FORTIFICATIONS

         Les travaux commencèrent en 1626 et durèrent un demi- siècle. On éleva d’abord une enceinte composée de fossés, de levées de terre et de quelques portes, puis après on remplaça fossés et levées de terre par des murailles et on édifia  d’autres portes.

Comme ce point d’histoire n’a jamais été mis en lumière, il est nécessaire d’entrer dans des détails.

De Sonkeux nous apprend que « lorsqu’on eu obtenu le droit de ville (en i651),
 on abatit les w ailes de galons (levées de terre) qui entouroient la ville et on bâtit des             murailles » .

 Les documents antérieurs au diplôme de 1651 ne font mention que de fossés, de levées de terre, de portes; à partir de 1651 seulement, il est question de murailles. Enfin la porte de Heusy dut être déplacée, comme on le verra plus loin. Il y eut donc deux enceintes.

 L’enceinte primitive formait un rempart terrassé avec fossés talutés et palissadés, tandis que l’enceinte définitive se composait de divers ouvrages en maçonnerie.
  
  Ce point, établi, citons deux documents importants : le premier est la description des fortifications, laissée par un contemporain : de Sonkeux.

 « Lorsqu’on eut obtenu le droit de ville sous les conditions de l’enceinte de murailles, on travaillât à l’entourer par,des gazons avec demy-lune et bastion sinon que depuis la porte de Limbourg jusqu’à la porte de Heuzier elle estoit muraillée, et ladite porte de Heuzier estoit que la voye qui mène à Stembert estoit hors la porte. Les maisons qui estoient au delà estoient comme un petit faubourg qui furent enclose Tan 1671 lorsqu’on bâtit la porte où elle est aüjourd’hui sous le consulat de Jean Pirotte Nizet et Denis de Charneux.

La porte d’Ensival fut bâtie l’an 1668 sous les consu­lats de Jean de Herve et de Colin Coliny.

On abatit les walles de gazons qui entouroient la ville et on bâtit des murailles depuis la porte de Heuzier jusqu’à celle d’Ënsival, commencée l’an 1671 et achevée l’an 1672 comme dit est.

 Et depuis la porte de Hodimont jusqu’à la montagne derrière les Pères Récollets, sous le consulat dudit Jean Pirotte Nizet et Ber.trand Louys et sur ladite montagne on y édifiât une grosse redoute quarrée, très-bien proportionnée, toute de pierres, sous Bertrand Louys et Thomas Jodocy Tan 1673.

Tellement qu’en l’an 1674 la ville fut presque toute enceinte de belles murailles ayant trois pieds d'épaisseur et seize de hauteur, six pieds de muraille de pierre et dix pieds de briques, trois pieds de profondeur.

Depuis la porte d’Ensival jusqu’au vieux Stordeur à Phuile , estoient de walles de terre bien gazonnées et palissadées fait par les Pères Récollets, assistez de bourgeois, comme aussi depuis la porte de la pêcherie jusqu’à celle de Limbourg estoient aussi gazonnée et palissadée par lesdits Pères et au bord de la venne du moulin, en laditte pêcherie, il y avoit bâtis une très grosse tour à soutenir le canon ayant sept pieds d’épaisseur de muraille, procurée par Lau­rent Remaçle, échevin, aux frais communs. »

Le second document est un record de la justice de Ver­viers. il date de 1748 et va nous apprendre ce qui restait des fortifications à ce moment.                            Disons préalablement que ce document contient des erreurs au point de vue historique et qu’il n’a de valeur que pour son objet immédiat : les vestiges des fortifications en 1748.

 Nous les eschevins de la Cour de Justice de la ville de Vervier, au marquisat de Franchimont, étant requis de part Monsieur le chevalier de Goer de Herve de luy relaxer notre record et attestation sur la situation des lieu ou ont été bâtis les murailles ou rampart de notre ville et sur leur étendue, voulant à luy comme à tous autres en étant requis adminis­trer droit et justice, disons et recordons qu’immédiatement après que Vervier eut été érigé en ville l’an r65i, par feu son A. S. E. Maximilien Henry de glorieuse mémoire.

 Stordeur ou moulin à l’huile, mû par l’eau. On y expri­mait la graine de navette et de colza, recueillie surplace. Un hec­tolitre de navette donnait 29 litres d’huile, et un hectolitre de colza. 25 litres. Il y a un siècle, l’hectolitre de navette ou de colza coûtait 35 francs, et l’hectolitre d’huile, 120 francs. Cf. Thomassin, Mémoires statistiques du département de l’Ourthe. Le stordeur dont il est question ici, se trouvait à l’emplacement actuel du moulin Vandresse, pont du Chêne. fut ceinte et environnée de murailles ou ramparts qui ont subsistés pendant quantité d’années, jusqu’à ce que le Magis­trat de cette ville, lez ayant trouvés trop préjudiciables aux intérêts publiques durant les guerres, et surtout pendant le­dit siège de Limbourg par les François, trouva à propos de les faire démolir sauf les fondements et les principales portes de la ville qui existent toujours; les vestiges desquelles mu­railles se voient encore aujourd’hui, dans presque tous les endroits où elles ont été construites, s’cavoir ;

Du côté d'orient où elles coinmençoient en deçà du cou­vent des RR. PP. Capucins, derrière la maison qui y a fut N. Josez, présentement possédée par Jean Simon, joindante aux murailles dudit couvent ; puis montoient vers le thier Christophe Cloes, dit par après thier Daubois, où il y avait une espèce de fort et de demi-lune, et à quelque distance de là, un tour appelée tour le bassy, dont les vestiges se voient encore dans ces endroits : de là elles s’extendoient par la prairie dite de vieux bonhommes et continuoient en descen­dant jusqu’au chemin de Stembert qui se rend en la rue de Heusy où il y avoit une porte, les fondements desquelles murailles et forts se trouvant encore présentement existents, aussi bien que la porte de Heusy qui a été érigée sous la régence des bourgmaitres de Charneux et Nizet, selon qu’il en conste par leurs armes apposées au dessus de laditte porte qui est encore actuellement dans son entier.

De là, lesdittes murailles continuoient au midi en tra­versant les prairies nommées les Prayes où il y avoit quelque ouvrage à corne ou demi-lune dont la forme se distingue encore par les fondements qui subsistent, et s’extendoient jusqu’à la ruelle Mangay où il y avoit une porte; ensuite elles traversoient les pièces d’héritages nommées les Cluzins où il se voit encore les restes de quelque ouvrages couronnés ou bastions, et continuoient jusqu’à la porte d’Ensival qui fut construite sous le consulat des sieurs Jean Deherve et Nicolas Collin selon qu’il est annoté audessus de laditte porte avec les armes des susdits bourguemaitres : tout le long desquelles murailles ou ramparts, dont tous les fondements
toujours dans leurs entiers,, il y est resté depuis laditte porte de Heusy jusqu’à celle d’Ensival un chemin publique qui avait été pratiqué au tems de leur érection.

Et de l’autre côté de laditte porte d’Ensival vers la rue de laXhavéel’on avait construit des bastions ou relevez de terre et de gazon jusqu’à la rue de Broux contigue au Canal de la .rivière, où il y a encore actuellement une muraille et porte existente.  

Disons et recordons en outre que selon les fondements et vestiges qui reste du côté d’occident, lesdittes murailles et remparts commençoient, ainsi qu’elles sont encore actuelle­ment, proche la porte du faubourg de Hodimont, communér ment nommé le fauxbourg d’Espagne, terre de la province de Limbourg, et traversoient une partie des prairies dites fox- halles où il y avoit un bastion ou demi-lune, puis conti- nuoient en montant dans les pièces d’héritages situées sur les Mezelles où l’on voie les restes d’une vieille .tour, nommée la tour aux rats, et s’extendoient ensuite jusqu’au grand chemin, pratiqué dans la montagne qui conduit sur les heids, où elles ftnissoient de ce côté là par une porte construite sur ledit chemin en haut de cette montagne vis-à-vis le couvent des R. R. P. P. Récollets.

Puis la rivière de; Vesdre, qui costoie la ville au sep­tentrion, avec les murailles qui la bordent et qui subsissent encore aujourd’hui en entières, luy servoient de remparts de ce côté là, ou l’on avoit bati une porte contigue à l’hôpital des vieilles gens, qui donnoit accès à un pont qui traverse laditte rivière ; et une autre porte qui existe encore, join- dante à l’hopital des orphelins, proche les grandes Ranies, laquelle aboutit à la même rivière avec un boulevard dite vulgairement la tour aux mosteies, placée au bout des prai­ries appelées pescherie, près la grande digue, qui conduit l’eau dans la ville par le canal de moulin banal de sa Sme Eminence, y ayant, à l’autre côté dudit canal une porte très solide, nommée la porte de Sommeleville ou de Limbourg qui se trouve avoir été réparée en 1680 sous la régence des bourguemaitres Gérard .Hauzeur et N. Hassinelle, laquelle porte avoit été construite l’an 1634 du tems de çon A. S. Ferdinand de Bavière, notre évêque et prince de glorieuse mémoire, selon qu’il àpparâit des inscriptions et des armes de saditte A. S. apposées avec celles desdits bourguemaitres réparateurs, au frontispice de laditte porte regardant vers Limbourg et joindante aux murailles de l’enceinte du cou­vent des RR. PP. Capucins pour renfermer la ville dans cet endroit ; en foy de quoy avons ordonné à notre greffier de soussigner et d’y apposer notre scel scabinal en tel cas requis et accoutumé sur l’an de grâce 1748 du mois de novembre, le 22.
Par ordonnance : (signé) J.-H. Nizet.
Par extrait du registre de laditte cour.
(Signé) M.-J. Thisquen, pro scriba absente.so


Entrons dans de plus amples.détails. Mais une remarque est ici nécessaire : les fortifications n’ont eu qu’une durée très éphémère : leur démantèlement a suivi de près leur érection, deux siècles se sont écoulés, le lecteur comprendra qu’il puisse y avoir encore bien des points obscurs: pour nous, nous serons aussi précis qué les documents le permettront.

*
* *
L’enceinte primitive se composait de fossés, de remparts talutés et de portes.
Quelles étaient ces portes ? Le diplôme de 1651 en mentionne trois sans les nommer.

Nous avons vu que le 29 janvier 1626, ordre fut donné de commencer les travaux par les portes de Sommeleville et de Heusy ; de 12 novembre i65o — F. 86 — la ville reconnut devoir 6 florins brabants, 5 pattars à Jacques Rogister « pour reste d’ouvrage que celui-ci at fait à la réparation de la porte de la basse-voye » ou des Mézelles.

Les travaux durent commencer en 1626. Les Verviétois n’y mirent probablement pas toute l’activité désirable car le
i5 décembre 1634  les Bourgmestres de Liège écrivirent au P.-É.

       a que, du costé de Fran­chimont, vostre principauté de Liège est occasion de guerre ou de logement, pouldroit souffrir des grands inconvénients.... il nous semble estre de nostre devoir de représenter à vostre Altesse, primo qu’il seroit fort expédient et utile que dudit costé sur la frontière il y eust une place tenante et pour résis­ter, et d’autant que nous somes ignorants que vostre Altesse, en son conseil passé quelques mois auroit juger convenable de comander à ceux de Vervier de se murer et fortifier... 

     nous la venons supplyer par les présentes de vouloir faire mettre au plustoz en exécution laditte ordonnance, pour y avoir du péril au retardement, non seullement parce que ledit lieu de Vervier, selon le rapport de nos historiens et déplome de vos prédécesseurs, at esté cy devant une ville qui est indice que les ancestres avoient trouvé l’assiette pro­pre aux advenues, mais aussy pour autant qu’il est assez connu que pour la situation du lieu, la multitude des habi­tants et la fréquence du traficque de ce costé-là, ledit lieu est le plus opportun pour semblable subjetz. »

De leur côté, les habitants se plaignirent vivement : ils étaient réquisitionnés pour les travaux de terrassement, les propriétés particulières sur toute la ligne de l’enceinte étaient bouleversées de fond en comble. Aussi les propriétaires ne se firent-ils pas faute d’adresser des réclamations aux autorités, comme l’atteste la lettre suivante , écrite par le Gouverneur de Franchimont au Magistrat.

Messieurs,
La veuve Polis de Melen m’est venu remontrer les graves intérêts quelle aura en cas je viens (?) à permettre l’achevëment de vos fortifications sur son territoire, et comme elle fait des offres, lesquels me semblent assez rai­sonnables, je vous la renvoie affin qu’après que vous l’aurez entendu, vous vous entreaccordiez par ensemble à la meil­leur sorte ou faire se pourra.
Franchimont, ce 22 avril 1642.

Ferdinand de Lynden.

Au reçu de cette lettre, le Magistrat adressa, le 28 avril 1642, une requête au P.-E. où on lui dit que des particuliers prétendaient que la ville n’avait pas le droit de faire des travaux sur leurs fonds s'ils n’étaient ordonnés par les Etats du Pays.

Il est probable que le magistrat eut gain de cause, car les réclamations cessèrent.

A l’intérieur de l’enceinte, on aménagea d’autres moyens de défense, ainsi le i5 juin 1646, la Cour de Justice accorda à Jean Dagofosse, 

« acceptant, telle coing ou petit place vuide et présentement inhabitable qui se retrouve au desseur du Pont de Mollin (Mont du Moulin), entre les maisons de
Nizet, Linard Nizet et Vredrik Nollin,    pour ycelle place vuider, applanir, en    comme il trouverat convenir, soit en dressant quelque petit batisment ou aultrement... et ce à charges et conditions subescrites ; scavoir que iceluy Dago­fosse acceptant serat obligé de faire ériger un muraille de pierre, depuis l’angle d’ycelle maison du ... Nizet jusqua l’angle de la maison du prédit Vredrick Nollin, dans laquelle muraille il pouldrat laisser fenestre bien barée et un fort huisse de bois pour s’en servir en toute occation, et à l’oppo- site d’icelle muraille, faire planter un bois bien ferré, auquel serat appendu un gros et fort chaisne de fer, pour en toutte occation et à la semonce du magistrat fermer le chemin qui vat sur nrë marché, auxquels effes le prédit Dagofosse deveu- rat laisser dedans laditte muraille luy encliargée un trou sufissant pour passer ladite chaisne, la fermer intérieurement et cadanasser....... cadanasser ou   assurer laquelle chaisne . cadanasser et appartenance deveurat faire entretenir 
remettre ladite clefs en mains des bourgms lorsque command lui en serat  ne pourra mettre rien qui empêche la liberté du chemin réparer la pavée devant laditte muraille et où la barrière en bois estoit assise ». V. 2, p. 148.
Quelques mois plus tard, le 17 novembre 1646, la Cour de Justice concéda à Jacob Graffar « deux pieds de largeur à prendre hors de Faissemence jointe du costé d’occident à la brassine, gissante icelle brassine en Wherixhas de mollin en annexher à sa maison,   à effect de battir et tirer sur laditte
aissemence luy accordée un muraille droit à lingne du midy sur septentrion, affin par ce moyen pouvoir à largir laditte brassine, à charge et condition que luy Graffar debveurat à ses fraix élever et dresser derrière laditte, une grande barier de bois pour servir de fortification à ce bourg suivant les ordres et mandement réitérés de S. A. S. nostre prince, auquel effet lui seront délivrés les bois, cleff et cadenasses nécessaires, lesquels clefs et cadenasse il serat tenu de conserver, fermer et ouvrir laditte barrier lorsqu’il requis en serat, ce qui fut iceluy Graffar accepté et fut mis en garde». 

 Le Whérixhas de Mollin était la rue allant du Petit- Wherixhas (rue du Collège) à la rue des Rennes, celle-ci au delà du Mont du Moulin.

  Enceinte définitive. Les travaux de l’enceinte définitive commencèrent en 1651; ce fut un ingénieur du nom de Rouverst qui en dressa le plan. Ce plan n’a pas été retrouvé jusqu’à ce jour; on peut cependant reconstituer, d’une façon approximative naturellement, la ligne de cette enceinte en se servant du récit de de Sonkeux,du record de 1748 et du plan de Simonon.

  Le plan de Simonon est un plan de Verviers, dressé sur l’ordre du Magistrat, le 26 septembre 1764, par M. Simonon « géomètre et arpenteur juré, notaire et réduc­teur des rentes»; l’original se trouve aux archives de la ville; une copie prise par M. Renier est déposée au Musée commu­nal.

Dans-la description qui va suivre, nous suivrons non l’ordre chronologique mais Tordre topographique.

Porte de Heusy. — Elle se trouvait à la jonction de la rue de Heusy d’une part, de la chaussée de Heusy, de la rue de Mangombroux et de la Courte rue du Pont d’autre part ; au moment de sa démolition *en1863 elle formait un gros bâtiment surmonté d’un grand et haut toit, percé d’énormes cheminées; le passage public, avec un portail cintré extérieurement faisait communiquer la ville avec l’extérieur.

   D’après le plan annexé à l'arrêté royal du 26 novembre 1841 fixant l’alignement actuel de la rue de Heusy, le bâti­ment avait 16 mètres ,5 centimètres de largeur, 7 mètres de profondeur ; le passage public avait 4m50 de largeur, son axe se continuant avec l’axe actuel de la rue de Heusy, il divisait la construction en deux moitiés à peu près égales : le côté ouest ayant 6m25 et le côté est 6 m. 
Nous manquons de données exactes sur la hauteur : à en juger d’après une photographie , la hauteur du sol à la corniche était de 16m20, tandis que la plus grande hauteur du portail était de 10m45.

M. François MullendorfF, lieutenant-colonel du génie, qui a bien voulu revoir ce travail au point de vue de orthodoxie militaire, ce dont je lui sais un gré infini, me transmet à ce sujet, la note suivante : Cette vue perspective — la photographie  de la Porte deHeusy, me paraît assez bien justifier les dimensions en hauteur que vous en avez déduites savoir :

Hauteur du sol à la corniche   16m20
Hauteur sous clef du passage   i10m45

ce qui donnerait pour la hauteur totale, sous le faîte, 32 à 33 mètres. 

      Quant aux dimensions horizontales du bâtiment voici des indications que me donne le plan géométral de Defreneux, dressé en 1862, échelle de 1 à 2 500 : les façades intérieure et extérieure du bâtiment n’auraient pas été parallèles entre elles et par conséquent, le plan de la bâtisse n’aurait pas eu la forme régulière d’un rectangle, mais bien celle d’un quadrilatère quelque peu irrégulier.

 Les mesures, prises sur le plan Defreneux, me donnent :
façade extérieure     15m
façade intérieure      12m50
profondeur Est          8m95
Photographie prise par M. Polis-Begond, photographe, le 1 mai 1863, jour où la démolition de la Porte de Heusy commença.

profondeur Ouest largeur du passage 7m50à  4m50

ce dernier divisant inégalement la largeur du bâtiment.

Toutes ces dimensions doivent, bien entendu, être considérées comme approximatives, vu la petitesse de l’échelle du plan qui les a fournies ».

De Sonkeux nous apprend que « les maisons qui estoient au delà estoient comme un petit faubourg qui furent enclose l’an 1671 lorsqu’on bâtit la porte où elle est aujourd’hui. D’autre part,  le 28 novembre 1654, le ma­gistrat écrit au Prince que l’ingénieur Roverst estime que, si l’on veut maintenir une porte à cet endroit, il est nécessaire d’enclore la maison enseignée au Blan Lion et 7 à 8 autres habitations. La porte de Heusy de l’enceinte primitive a donc été démolie pour être reconstruite à nouveau en 1671 sous la régence des bourgmestres Jean Pirotte-Nizet et Denis de Charneüx  de Sonkeux et record de 1748. 

Les armes de ces bourgmestres étaient apposées au dessus de la porte — record de 1748.
Nous devons à l’obligeance de notre vénérable président M.J.-S. Renier, la description de ces blasons, ainsi que de ceux qui suivront.
Armes de Nizet : un lion surmonté d’une étoile à six rais.

Armes des de Charneux : une croix engrelée et en chef dextre un canton portant un lion.

Ces armoiries avaient disparu dès le commencement de ce siècle : peut-être avaient-elles été détruites pendant la révolution française, au moment où l’on faisait disparaître tous les emblèmes de la noblesse.



Aux archives de l’Etat à Liège. - Conceptionnistes. - Procès Pierre Stembert, pièce 72 du dossier, se trouve une carte topographique qui donne le tracé de cette muraille: d’après cette carte qui date de 1710 la muraille suivait une direction rectiligne jusqu’au delà de la rue de Rome, puis faisait un angle presque droit, ouvert au Nord pour rejoindre en ligne droite la porte d’Ensival.

 De la porte de Heusy à la rue de Rome, ancienne ruelle Mangay ou pleine voie — F. 99, n° 25, — la muraille était flanquée de deux parties saillantes: deux demi-lunes;celles-ci avaient de 13 à 14pieds de diamètre. — V. 17, p. 246. La ruelle Mangay était fermée par une porte. A l’angle se trouvait un bastion présentant quatre pans coupés. Sur la carte de 1710, demi-lunes et bastion sont creux.

Un chemin de ronde existait au pied des murailles. Celles-ci avaient généralement trois pieds d’épaisseur et seize pieds de hauteur, six de pierres et dix de briques ; les fondations trois pieds de profondeur. Il arrivait qu’on per­çait les murailles de petites ouvertures pour donner accès aux propriétés qui se trouvaient coupées par les fortifica­tions.

Porte d’Ensival. Elle s’élevait rue Vieille Xhavée. Dans son Vieux Verviers, F. Ymart dit que le pignon de la maison qui porte actuellement le n° 4 en constitue un vestige. Nous ne connaissons rien de son architecture; il y a tout lieu de croire qu’elle avait beaucoup de ressemblance avec la porte de Heusy.

La porte d’Ensival fut bâtie l’an 1668 sous le consulat de Jean de Herve et Colin Coliny-de Sonkeux ; le record de 1748 dit « sous le consulat des sieurs Jean De Herve et Nicolas Collin, selon qu’il est annoté au dessus de laditte porte avec les armes des susdits bourguemaitres. »

Le blason de Goer de Herve portait : un lion tenant de sa griffe de gauche un petit axe de moulin ; celui de Nicolas Cholinus, Collin, Colin ou Coliny : quadrillé de six pièces où alternaient une rose à cinq feuilles sans tige et un canard tourné à dextre.

De Sonkeux nous apprend que « depuis la porte d’Ensi- val jusqu’au vieux Stordeur à l’huile — moulin Vandresse — estoient des walles de terre bien gazonnées et palissadées ».

Le record de 1748 porte que de l’autre côté de la porte d’Ensival « vers la rue Xhavée, l’on avoit construit des bastions ou relevez de terre  jusqu’à la rue de Broux, contiguë au canal de la rivière où il y a encore actuellement une muraille et porte existante ».

Donc de la porte d’Ensival à l’emplacement actuel du moulin Vandresse, il y avait des levées de terre avec fossés du côté de la campagne : généralement les palissades se plaçaient en dehors des fossés.

 Les walles ou levées de terre étaient gazonnées c’est-à-dire formées de tranches de gazon posées horizontalement les unes sur les autres pour donner plus de consistance au talus et le garantir des éboulements.

 Il y a eu une porte rue du Brou : quand a-t-elle été construite ? De Sonkeux n’en parle pas ; elle n’existait donc pas au moment où il écrivait ses mémoires. 

 Où se trouvait cette porte? Certainement au bout de la rue du Brou, dans l’intervalle qui va de l’entrée de la rue du Canal à celle de la rue Jardon. Or, précisément à cet endroit, le plan de Simonon renseigne un bâtiment isolé dont la construction diffère de celle des maisons voisines; ce bâtiment formait-il la porte du Brou ? 

 Le plan de Simonon n’est pas assez précis pour oser l’affirmer.
Qu’y avait-il entre le vieux Stordeur à l’huile et la porte de Hodimont ? Le record de 1748 ne le dit pas. Nous allons tâcher de combler cette lacune.

Le 19 novembre 1651— le Magistrat ordonnait aux bourgmestres « de faire relever les fossez du costé de la Xhavée, Broux et Hodimont suivant la ligne que l’ingénieur Rouvers at tirré et désigné, et accepter du bois pour faire des palissades nécessaires pour faire et relever les dits fosséz ». Le 16 février 1696 

—le Prince

« enjoignait au Magistrat de faire mettre au plustôt les portes de Hodimont et de Saulcy en estât, déclarant estre de ses intentions qu’elles soient fermées en hyver à 8 heures du soir et en esté à g heures au plus tard ».

Il y a donc eu là des ouvrages de défense; si le record de 1748 n’en fait pas mention, c’est évidemment parce que, à ce moment, il n’en restait plus le moindre vestige, et si en 1748, il n’y avait plus le moindre vestige, alors que partout ailleurs on retrouvait au moins les fondations, c’est que ces ouvrages n’étaient pas en maçonnerie.

Pour ces diverses raisons donc, il est probable qu’à par­tir de la rive droite de la rivière, il y avait des fossés et des talus gazonnés et palissadés jusqu’à la porte de Hodimont.

 De plus, il y avait une porte en Saucy. Où se trouvait cette porte ?

Le pont de Saucy a été construit en 1693 — probablement à l’endroit même où se trouvait le passage à gué; il est hautement probable que la porte de Saucy se trouvait près de l’emplacement du pont actuel.

Il est possible que cette porte consistât en une simple barrière puisqu'on n’en retrouve rien en 1748. Du reste les portes n’ont pas dû être construites toutes sur le même plan :

     il est peu probable, par exemple, que la porte de l’Hôpital ait présenté la solide architecture de la porte de Heusy que beaucoup de Verviétois ont connue.

Ces travaux exécutés en 1651 suscitèrent des protestations des propriétaires dont on traversait les fonds : citons celles de la dame Nicolas Mangam, de Francq Mangay, de Godefroid de Xhorez, de N. Bertrand, propriétaires de la rue de la Xhavée , n° 69 — et celle de Gérard Mangham de Hodimont.  70.

Porte de Hodimont. — Elle se trouvait à la limite de la commune, près du pont de Hodimont. Bien qu’elle soit mentionnée sur le plan de Simonon, nous ne connaissons rien de son architecture.

Le 16 janvier 1615 , le baron de la Fosse, officier des troupes de sa Majesté impériale, cantonnées à Verviers remet au magistrat l’attestation qu’il a donné « les ordres de rompre le pont de pierre à la porte de Ho dimont pour y placer un pont-levis ».

De la porte de Hodimont, les murailles traversaient une partie des prairies dites Foxlialles, où il y avait un bastion ou demi-lune; elles continuaient, en montant dans les pièces d’héritages, situées sur les Mezelles où il y avait une tour, appelée la tour aux rats; puis s’étendaient jusqu’au chemin des Mezelles ou basse-voie, où elles finissaient par une porte construite sur ce chemin, vis à vis du couvent des P. P. Récollets. (Record de 1748).

Nous avons vu précédemment que la porte de la basse voye a été réparée en 1650. De Sonkeux nous apprend que la muraille a été construite sous le consulat de J.-P. Nizet et de Bertrand Louys en 1671 ou 1672, et la tour aux rats « grosse redoute quarrée » en 1673 sous B. Louys et Th. Jodaÿ.

La Tour aux Rats devait être située dans le carré formé par les rues des Hautes-Mezelles, des Jardins, des Plantes et Belle-vue ; la porte de la basse-voie, proche d’une vieille construction, actuellement le n° 39, rue Hautes-Mezelles.

Du Pont des Récollets au Pont de l’Hôpital ,actuelle­ment Pont d’Andrimont, la rivière formait une clôture naturelle.

Porte de VHôpital : ainsi appelée parce qu’elle était construite près de Thospital nouveau ou Hospice des Vieillards, actuellement Musée Renier. Mentionnée dans le record de 1748, elle n’existe pas sur le plan de Simonon.

Porte des Waines. — Elle se trouvait au commencement de la rue des Hospices; elle touchait à l’Hôpital des Orphelins qui était en deçà de la porte. L’Hôpital des Orphe­lins occupait remplacement où se trouve aujourd’hui l’ate­lier de menuiserie de M. Closset. 

La porte des Waines, qui existe sur le plan §imohon, a été construite en 1669, car le 17   août 1669, — F. 94, n° 58, — le Prince renvoie au bourguemestre de Verviers une requête lui adressée par Simon Remacle en son nom et au nom de divers bourgeois. Dans cette lettre, Remacle dit que le magistrat « a commencé a faire faire une maison dans l’intention d’ériger une nouvelle porte du costé qu’on appelle les grandes Waines et selon toute apparence feront faire des murailles lesquelles traver­sant plusieurs héritages empescheront une quantité des Waines ; ce quy aportera un notable intérest à la plus grande partie des drappiers de la dite ville ». Il fait remarquer qu’il serait préférable de porter les murailles immédiatement le long de la Vesdre, la rivière servirait de fossé et la ville se­rait ainsi mieux défendue. Il termine par ces mots : « Ils se trouvent obligez de prendre en tout respect, leurs recours à la bonté et clémence de V. A. Sme la suppliant très humble­ment d’estre servie d’interposer son autorité principalle, en ordonnant aux magistrats de Vervier de tenir le tout en sus­pend jusqu’au renouvellement du magistrat de votre dite ville quy se fait ordinairement le jour de St-Remacle le
3 septembre et permettre cependant aux Suppliants de de­mander et faire recueillir les voix de la bourgeoisie pour scavoir leur sentiment à ce regard » .
Cette demande n’eut aucun succès.

De la porte des Waines ou des Orphelins à la porte de Sommeleville, il y avait un boulevard c’est à dire un rempart terrassé avec fossé taluté et probablement palissadé.

Près de la grande digue du canal, une grosse tour, ayant des murailles de sept pieds d’épaisseur, où l’on n’avait accès qu’au moyen d’échelles, elle fut appelée tour aux Mosteies, par allusion à un petit poisson, la motelle, qui abondait dans la Vesdre. Ces travaux ont dû être exécutés en 1673 : le 29 mai 1673 ,Henri Thonnar de Chokier, chanoine de St-Paul à Liège'demande à être indemnisé pour les dommages causés à sa prairie dite La Pexherie.

Porte de Sommeleville, dite encore de Limbourg ou des Capucins, les Capucins ayant construit leur maison près de la porte.

La porte de Sommeleville, la première en date, se trouvait à la jonction de la place de Sommeleville et de la rue de Limbourg ; elle devait présenter à peu près la même architecture que la porte de Heusy. 

Elle portait au frontispice, du côté de Limbourg, les armes du Prince Evêque Ferdi­nand de Bavière etcellesde GérardHauzeur et N. Hassinelle, bourgmestres qui la firent réparer en 1680.

Le blason du Prince était toujours accompagné des armes du Pays de Liège : il avait pour fond les armoiries de Liège, de Bouillon, de Franchimont, de Looz et de Hornes, c’est-à-dire les armes actuelles de la province de Liège, et brochant sur le tout, les armes de Ferdinand de Bavière : écartelées, montrant aux 1 et 4 les losanges de Bavière, aux 2 et 3, un lion couronné. 

Le blason de G. Hauzeur était à trois losanges posés deux et un ; celui de Hassinelle : en chef une tête de licorne, en pointe une hase courant.

Une muraille reliait la porte de Sommeleville à la porté de Heusy. Le Record de 1748 nous apprend qu’elle était flanquée d’une espèce de fort et de demi-lune et à quelque distance de là une tour appelée tour le bassy.

En 1893, lors de la construction des nouveaux bâtiments de l’établissement industriel de la Lainière, entre la rue du Pont et la rue du Panorama, on a rencontré, à la hauteur de l’entre-croisement des rues du Panorama et de Stembert, les substructions d’une grosse muraille qui pourraient bien avoir fait partie de l'enceinte.

Nous possédons quelques renseignements sur l’érection de cette muraille : le 16 mai 1652  le bourgmestre Henry Bosmans traite avec Michel de Nayer, demeurant aux environs de Namur « pour bâtir, ériger une muraille avec ses bastions, conformément au plan donné par l’ingénieur de S.A..., depuis la tourre érigée sur la prairie ou terre de Henri Potestat jusqu’à la porte de Heu­zier.... pour une somme de 9.000 florins brabants ».

Voici T « Estai e| mesure des ouvrages entrepris par de Nayer.

Prime : le bout de la courtine joindant la tour at de haulteur 16 pieds au dessus du sommier qui est dans ladite tour, mésuré en présence de Jean Remacle..,. bourgmtre.

L’autre bout de ladite courtine at aussi 16 pieds de haulteur y comprinz 3 pieds de fondements.

La première anglée du bastion, joindant ladite courtine a 16 pieds de haulteur, y comprinz 4 3/4 pieds de fondement sur la première anglée.

La 2de anglée suivant, qui est la pointe du dit bastion a 16   pieds de haulteur, y comprinz 3 1/2 pieds de fondement sur la première anglée.
La 3e anglée at 16 pieds de haulteur y comprinz 4 pieds de fondement sur la ire anglée.
La 4e anglée at 16 pieds de haulteur y comprinz 3 1/2 pieds de fondement sur le gasson.

La courtine descendant dans la prairie du Sr Heuse at 12   pieds de haulteur comme il est marqué à un pommier.

La partie suivante, j>7 pieds de longueur, at 11 pieds de haulteur, marqué à une espine de la haye de ladite prairie dudit S. Jean Remacle.

Une autre partie suivante at 10 pieds de haulteur marqué à un pavé à rase de terre, 55 pieds de longueur ; et au bout des 55 pieds, at de haulteur 8 pieds, marqué au pommier dans la prairie de la veuve de Rechain.

Le reste des ouvrages se mesureront en présence de Messieurs du Magistrat ».
« Esta et mesure des deux ferettes ou pilliers qui sont aux 2 costé de la voulte.
Prime : elles ont chacune g pieds de longueur, 4 pieds de large et 11 1/2 de haulteur qui font les 2 ensembles 828 pieds qui, au prix de 12 1/2 florins le cent d’ouvrage porte io3 florins et ïo sous ».

Porte du Pont des Récollets. Le 13 octobre 1657, parait l’octoi de la Chambre des Comptes qui suit. 
.
S. A. Sme ayant entendu le rapport du Bon de Lynden, grand mayeur de Liège et son gouverneur de Franchimont et de Charles de Méan. conseiller en son conseil privé et or­dinaire, ensuite .de la commission leur donnée en cette chambre le 18e du passé et considérant le bien et l’asseu- rance de sa ville de Vervier par l’establissement dun corps de garde et d’une porte au milieu du pont (des Récollets), s’inclinant favorablement à leur demande, leurs accorde lade place de grâce, en remettant le cens quelle pourroit de­mander sans le tirer en conséquence. Fait au palais de Liégè, à la Chambre des Comptes le i3° octobre 1657.

Onze ans plus tard, en 1668 l’administration, en vertu de cette autorisation, voulut faire élever une porte sur le pont des Récollets. A peine l’encadrement fut - il construit qu’il surgit une vive agitation parmi les habitants des rues de Spintay, Hodimont, Saulcy et Mezelles et rues avoisinantes. 

Ils se réunirent et envoyèrent au baron de Lynden, gouver­neur de Franchimont, une adresse signée en leur nom par
Nicollas Collin, jadis bourgtrëT et présment commissaire, Henry Mollet, eschevin de lade ville,
Lemoyne,
H. Moraikin, baily d’Andrimont,
Denis Cholinus, licentié en droict,
J. Coppe, capitaine,
Nicolas Piron, litenant,
Henri Detrooz,
Jean Piron,

« U serait venu, disaient-ils, à leur connaissance que messieurs les Brgmtres de ladite ville auroient voulu obliger Henry Moraikine à faire construire une porte au pont ,des
 Récollets, entrée ordinaire, unique et nécessaire aux remonstrans, tant pour porter les enfants des dits lieux au Baptesme dans l’Eglise paroichialle, proche du marché, que pour les confessions et administrations des malades, chercher des sages-dames et autres à déduire, » ils priaient le gouverneur d’user de son autorité « de faire laisser la dite construction en arrier » et s’il luy plait? laisser aux dits Srs Bourguemrs la liberté de faire faire une si forte garde sur ledit pont qu’ils trouveront à propos. En plus ils remirent le 10 septembre 1668 une adresse signée par J. de Malempré au magistrat de la ville -F. 94, n° 45.- On y lit « qu’il est impossible d’eriger laditte porte sans diviser la ville   d'autant que de nuict il seroit très-dificile et quelque fois impossible de porter les en­fants à baptême, d’appeller les prêtres pour les confessions, les docteurs pour les malades et les sages-dames pour les femmes grosses, les notaires pour les testaments et autres semblables personnes nécessaires aussi bien la nuict que le jour, oultre que l’érection de telle porte porteroit dans les pays voisins et étrangers un bruict pernicieux, que personne n’y seroit plus reçu, causant par là une ruyne entière du commerce et substance, point seullement desdits habitants mais aussi de la ville entière, n’y ayant aussi autre causé pour faire ériger laditte porte sinon deux ou trois maisons infectées de peste, ce quy est fort peu de chose ou bien rien du tout, pour aporter une division et bruict si préjudiciable au comün, joint que l’on peut avec cinq ou sixchares de bois fort facilement couper les dittes maisons infectées sans que personne y puisse plus avoir accès >). Ils demandaient donc que la porte ne fut pas construite sinon « qüe la voix comune soit la dessus entendue ».
Le 7 décembre 1668 Thomas de Bilstein, pasteur de Verviers, écrivit dans le même sens au baron de Lynden. F. 94, n° 46.
Le Conseil, naturellement, F. 94, n° 45, se plaignit vi­vement auprès du Prince : il ne faisait qu’exécuter l’ordon­nance de S. A. en date du i3 octobre 1657 — on ne pouvait

3o
donc leur résister en cette entreprise sans résister à son Altesse même.
La lettre suivante — F. 29, n° 179 —semble avoir mis fin à ces incidents.
Liege, 8 décembre 1668.
Messieurs,
Les bourgeois du quartier de' Hodimont m’ayant re- monstréles raisons ici joinctes touchant la porte en question du pont des Récollets, j’ai cru devoir vous les communiquer aussy bien que celle du votre rev. Pasteur et de Moraikine sur ce même sujet : vous avez trop de prudence, Messieurs, pour ne pas les considérer et toutes autres choses comme vous le devez.
Il semble cependant que, puisque vous avez une garde sur led1 pont que vous renforcerez dans les nécessitez plus pressantes de cette fâcheuse occasion, quelle pourroit faire le même effect qu’une porte fermée pourvu qu’il y eusse bon ordre : Vous ferez les réflexions la dessus que vous trouverez à propos pour votre bien commun : c’est ce que j’envisageray toujours avec tous les soins que je dois cornue estant Messieurs votre très-affectionné serviteur,

Ferdinand, baron de LYNDEN.

Il semble que le Conseil suivit le conseil du gouverneur et que la porte ne fut pas achevée.
*
Les travaux furent arrêtés en 1674 î l’enceinte de la ville était-elle achevée ? Il suffit de jeter un regard sur la carte pour constater qu’il y avait un seul point faible : c’était le côté ouest : la Vendre ne pouvait être considérée comme défense naturelle : dans sa requête du 7 décembre 1668, , le curé Thomas de Bilstein faisait déjà remarquer 

« que cette ville est si peu renfermée, qu’en temps de sécheresse ou petites crues, quelles sont la pius part de l’année, on peut venir de Hodimont et entrer par beaucoup d’endroicts dans le reste de Vervier ». Alors que l’on a dépensé des sommes considérables pour les murailles, et que l’on a cons­truit à l’extrémité est, une tête de pont, la tour aux mosteies, il serait étrange que l’on n’eût pas songé à élever quelque ouvrage à l’autre extrémité : il est dès lors naturel de sup­poser que les circonstances n’ont pas permis de construire une tête de pont du côté de Saucy.
« En l’année que le droit de ville fut obtenu — 1651 — où Tan suivant fut ordonner de sonner la retraite, ce qui s’observe tous les jours ; pour quel sujet, les bourgmes firent fondre une cloche et le firent pendre en la tour de l’Église paroichiale, à l’office du Marguelier de 1a. sonner ; à ce sujet, il tire quelque droit des Bourgmes , ladite cloche fut fondue sous la maison de ville » — de Sonkeux.
Les portes étaient fermées le soir à 8 heures en hiver et à 9 heures en été. — F. 99, n° 23.
L'érection des fortifications entraîna des dépenses con­sidérables. Il semble bien résulter de la lettre du 14 mai 1624, citée au commencement de cette notice, que les Etats du pays de Liège ont dù intervenir dans les frais.
Aux archives de l’Etat à Liège, dans les conclusions capitulaires de St Lambert, tome 160. f. 166, nous lisons :
Gratia oppido Verviensi.
Domini mei ex causis animum suum moventibus op­pido Verviensi, tertiam peculii huic ecclesiœ competentem, et per idem oppidum debitam, ad très annos gratiose, citra quodcumque praeiudicium, et consequentiam, in mœnium suorum constructionem applicandam concesserunt ea con- ditione ut singulis annis capitulo applicationis eiusdem tertie rationem reddant,
 — 5 avril 1669.

L'Eglise de St Lambert fait remise à la ville de Verviers d’une contribution à condition de la consacrer à la construction de l’enceinte. 

De son côté la ville de Verviers eut à débourser pour sa part des sommes considérables. Le 28 novembre 1654. 
 le Prince lui accorda 5 ans pour dédommager les propriétaires. Elle obtint plus tard un nouveau délai de 2 ans. Voici la liste - F. 93, n° 68 - «de ceux qui doibvent retirer leur intèrest annuel de leurs fonds occupéz par les fortifications, come s’ensuit :

Le tableau s’étend des années 165 e à 1661 — la rede­vance annuelle varie de 3 à 12 pattars par verge suivant l’importance des fonds occupés; la redevance de la 1re année est majorée à cause des dégâts occasionnés par les travaux.

Pasquay Thiry — 35 verges;
les représentants Blancheteste, 40 verges;
Piron le Camus, 1 verge 5 pieds;

la veuve Jean Nizet 1/2 verge;
Henri Bertrand, 7 verges;
Pasquay Bertrand, 1 1/2 verge;
Toussaint Mangay, 24 verges;
Lambert Defays, 1 1/2 verge;
veuve Polis de Melen, 42 verges ;
Thomas de Bailoux, 14 verges en deux endroits;
Lambert Cousin, 6 1/2 verges;
Jean Helman, 6 1/2 verges en deux endroits;
Mathieu Magham, 10 verges;
Bertrand Louis, l’aisné, 4 verges
Michel Le Loup, 12 verges;
Denis Simar, 20 verges;
Jean Rutb, 20 verges;
Thiry Thiriau, 12 vêrges;
veuve Pierre Grégoir et consorts, I verge en Saucy;
veuve Pierre Camus, 1 verge;
Nicolas Collette, 3/4 verge ;
Jean Herve, I verge;
Henri Jardon, 2 verges;
Martin Le Moine, 1 1/2 verges; ,
Jean Makay, 1 verge 6 pieds;
35
Ennaïs Frankinet, 1 verge 6 pieds;
Jean Piette, 8 verges;    m
Mathieu Hacray, 1/12 verge;
Etienne le grand Jacob, 4 verges ;
Noël Gauthy, 21/2 verges;
Henry Moraiquenne, sur les Heids, 7 12 verges;
Léonard Bonadventure, 5 verges;
Gilles Desamoris, 6 verges ]3 pieds;
Jacob Gérard, 5 pieds
Géiard Mangham, 3 verges 3 pied$;
Toussaint Bonhomme, 19 verges;
Sommeleville
Remacle Joes (?) 20 1/2 verges;
Thiry Pauquay, 2 pieds;
de Fays, 20 1/2 verges, 6 pieds;
Jean Houbin, 3 pieds;
Remacle le compte, 4 pieds;
Collette Graffar, 3/4 verge;
Pierre Graffart, 1 v., 2 p.
Henri Stocquis, 1 verge, 5 pieds;
Noël Gauty, 3/4 vergeL,
François Noël, 4 verges 2 pieds;
Theunis Bertrand, 5 pieds.

La ville acheta-t-elle dans la suite le fond occupé par les fortifications ? Il semble ressortir de la pièce suivante que la situation n’a jamais été nettement établie.

A la fin de l’année — donc un siècle et demi plus tard, Pierre Joseph Saive demanda l’au­torisation de démolir une espèce de demi-lune construite dans sa prairie qui longeait le rempart du côté de la ruelle Mangay. Le magistrat le lui accorda le 5 décembre moyen­nant une indemnité pour le terrain et les matériaux.

Saive répondit : Pour ce qui regarde le terrain le très- humble remontrant croit qu’il est censé lui appartenir, mais comme l’objet est de trop petite importance pour faire la moindre recherche à cet égard, etc.

Le 23 octobre 1671 , le magistrat... at été résoult d’imposer un impost à collecter, scavoir sur chaque cent livres de laines d’Espagne, qui se déchargerat dans cette ditte ville, dix patars, et sur chaque 100 livres d’autre grosse lame indifféremment 5 patars, pour estre, les deniers en provenant, employez tant aux murailles fortifica­tions qu’autres nécessité d‘’icelle ville, pour faire commencer la dite collecte au Ier décembre prochain. Ce décret est re­nouvelé au commencement de 1673 .

La ville dut contracter divers emprunts et dans une lettre adressée aux Etats du Pays de Liège — F. 96, n° 95— le Conseil de Verviers dit que les fortifications ont coûté plus de 100,000 écus, que la ville a du faire des empruuts et que de ce chef elle doit payer 7000 écus de rente annuellement. 

Detrooz, qui écrivait il y a un siècle, évaluait cette somme à deux millions de livres tournois.
Pour terminer ce chapitre, citons la lettre suivante : elle est intéressante à plusieurs points de vue : elle n’est pas datée, mais le contexte permet d’établir quelle a été écrite vers 1680.
Mémoire ou rafraîchissement à Messieurs les Magistrats de la ville de Verviers. 

Messieurs les bourgmestres et commissaires de la ville de Vervier.

Remontre très-humblement le suppliant qu’avant d’éri- ger les fortifications de cette ville de Vervier, on envoya cher­cher un ingéniaire ou entrepreneur des murailles, lequel avant d’incommencer l’ouvrage, tira des lignes diverses au traverse des héritages des manants, et comme il en avoit tiré trois lignes esloignées par d’instance l’une de Tautre dans le fond du jardin du suppliant et que la ligne tirée et ouverte la plus approchante des maisons luy restantes la plus domageable, estant interrogé par le commandant de nostre ville, ce quele suppliant voudroit donner au profit de la ville en cas qu’on suivroit la ligne la plus éloignée de ses maisons pour y ériger les dites fortifications, à quoy fut respondu par iceluy qu’il donneroit promptement deux cents patagons à la ville, et cent patagons au gouverneur d’icelle, se qui fut accepté leurs ayant donné par escrit, fak et signé par ledit suppliant entre les mains du commissaire Jean le pas et en pncë de plusieurs personnes dignes defoy, qui en rendront cause de science s’il en est besoing; et se trouvant ledit sup­pliant trompé des dits magistrats qui subornèrent l’ingéniaire à changer de dessein et prendre la première et plus appro­chante ligne au grand préjudice d’icelluy, il s’adressa au con­seil de S. A. Sme en Liège par requeste et apostille favorable, ce qui fut recessé que les intéressés parles fortificationsàfaire devroyent estre restitué ; et y eut plusieurs contestations et supplique présentée par le Sr Bourgmestre Jean de Herve pour lors encore bourgmestre et ... s’y avant qu’il obtint de saditte A. Sme en sa chambre de comte, le terme de cinq ans pour y furnir, et rétribuer lesdits intéressé, pendant ledit terme accordé. Qu’il est vray que pendant ledit terme on at rien donné pour les dégâts causés audit suppliant bien loin de là estant lesdits cinque ans escoulé, les bourgmes de cette ville obtindrent encore un apaisement et terme de deux ans et ainsy l’affaire est demeuré en surcéanse, ayant ledit sup­pliant exposé en procédant pour se regard beaucoup d’ar­gent, qui deveroit luy estre remboursé par lesdits magistrats; voyant le tort luy causé par quelque d’iceux comme est à faire voir en cas de besoing, Davantage par l’occasion des dites murailles la vefve Colin de Rechain vient lui dresser action contre ledit remonstrant ou ses locataires, deffindant iceux de passer par la pied saine, prinnant depuis lesdittes murailles au devant des maisons possédées lors par Collin Louwis et Simon le page, pour arriver au-trou de pont de Secheval, allègantpar laditte vefve, de vouloir estre béné­ficiées de son pied saine, aussy bien que ledit suppliant l’es- toit au delà desdittes murailles, ce qui causa audit remons­trant grand domage et intèrest car il fut contraint pour ridimer vexation et ultérieure procédure, d’acheter la pièce d’héritage de laditte vefve, le double plus haut pris qu’il ne valoit, ce quil vérifiera s’il est besoing. En outre ledit procès assoupis par lachapt susdit, ceux de la rue de Heuzier intre autres certains laurins de glace, et plusieurs autres de Se- cheval ses ...., afin d’acoursir leurs chemin, dimandirent ouverture dans les murailles desdittes fortifications, ce qui leur fut accordé, par les magistrats de cette ditte ville, lequel ayant fait faire une grande porte, il falu que le suppliant leurs suppléant le défaut, qui estoit la rondeur des pieres chaux et massons, pour y adjuster leursdittes portes, ayant cousté cela audit remonstrant plus de soixante florins bra- bants.

Laditte porte estante ainsy postée et ledit passage par ledit suppléant bien agréé, et qu’on y passoit librement voicy venir les magistrats de cette ville ordonner qu’on auroit à retouper laditte porte avec piere et chaux de manière que Ion prit de la chaux audit remontrant qui estoit là iondante sans luy en rien donner, pour environ de trois patagôns, le­quel on luy avoit promis de payer, tesmoins Colas le masson de heuzier.

D’avantages les mesmes magistrats, cela estant restoupé, ont ordonné de rompre les murailles dudit remontrant, qui est entre luy et la vefve piere Graffart, pour y passer les rondes qu’on faisoit, et afin de leurs faciliter tant mieux, il obtint diceux dy apposer une porte avec sa serure et leurs en donnant les clefs : ce qui a caussé audit suppliant environ dix fl. dix pàt.

Point contint de cela ledit magistrat ordonnaient de rompre et faire encore deux autres ouvertures, dans ses deux autres murailles, qui aboutissoyent sur celuy des for­tifications, allègant que cela leurs estoit préjudiciable, et que l’on pourroit ramper et gaigner la ville par ses endroits là, pour lesquels retouper at falu encore déboursé argent, qui toutefois devoit estre à la charge de la communauté.
Au surplus les François sont venu abatre et faire abatre les dittes fortifications de ville, et les ont fait enwaller un telle sorte que les pierres et autres matériaux contiennent environ un journal de fond occupé : voyez comment l’on vient d’une malheur à autres, et à quoy se résoudre, scavoir sy les magistrats les feront transporter ou évacuer, pour rendr le fond utile ou quy qu’on ingéra de ce faire, le tout soit meurement considéré.  

Ledit remonstrant veut espérer que Messieurs feront ré­flexion que les gens de guerres tant Allemands que Fran­çois luy ont ruiné ses grains et herbes croissant aux champs, iusques à 4 ou 5 fois ensuivant, et quil n’en at aucun profit ny restitution, ny espérance d’en recep voir iusques au pré­sent, que pindant que les Allemands estoyent a lentour d’icy que ledit suppliant at esté constraint d’achepter de Guilliaume Nottay pour la subsitince de son mesnage plusieurs stier de fromint à 10 1/2 fl. bb. chacun et le wassen à l’advenant. De surplus qu’araison de la chirité et disette, les locataires du suppliant ont évacué de ses maisons sans estre payé, lui ayant demeuré huict maisons vuide,presque iusques au pTît et que ledit remontrant pour à celle fin d’entretenir lesdittes maisons en posture, at esté contraint de faire entrer avec instante supplication des pauvres et idiots locataires dans icelles, que cette pitié à quel vil prix il luy a falu les laisser à louwage scavoir que ce qui s’at autrefois louwé à 66 Dallers il n’endevera recevoir que vingt cinq et ainsy ensuivant les autres.
Que ledit remontrant at esté quitte de son plus précieux j’oyaux à la perte de son unique fils, à la querelle qu| ceux de Limbourg nous ont fait (1), et ce at esté à la sollicitation d’aucun magistrat.
..  il désire et souhaite de bon cœur que Ion s’entinr
dasse de tout cecy, me submittant entièrement à ce que l’on diroit réellement et selon justice comme le cas le requiert, à
(1) Dans la soirée du 18 février 1674, il y avait eu, près de la foulerie du Chat, un combat entre des Verviétois et des Espagnols de la garnison de Limbourg. Ceux-ci avaient été repoussés et en se retirant, ils avaient emmené un jeune verviétois François Blanchetète qu’ils avaient massacré en route. — Cf. Nautet.
38
quoy je me résoud absolument me submettre et seray sur ce attendant voz bonnes intentions, qui suis Messieurs
votre très-humble et obéissant serviteur.
F. BLANCHETESTE.
Nous n’avons pu savoir quel a été le résultat de cette supplique.

CHAPITRE III.

Avec ses remparts de terre, ses fossés, ses murailles et ses portes, Verviers n’était pas une place forte : il manquait de soldats, il manquait de donjon, dernier refuge des assié­gés. Il était tout au plus une ville fermée et pouvait rapous­ser les agressions dé ces bandes de soldats pillards, qui, pendant la guerre, se mettaient à la solde de l’un des belligérants et qui, à la paix, faisaient la guerre pour leur propre compte, répandant la terreur parmi les populations qu’ils pillaient sans pitié. 

De Sonkeux, Detrooz, Nautet, etc., relatent divers incidents de ce genre.

Contentons-nous dans cette notice, de rappeler les cir­constances dans lesquelles les fortifications ont été démolies.

En 1667 commença la guerre pour le droit de dévolution: les troupes de Louis XIV envahirent la Flandre et le Hainaut. 

L’Angleterre et les Provinces-Unies s'unirent à l’Es­pagne et Louis XIV fut obligé, par le traité d’Aix-la-Chapelle du 2 mai 1668, de rendre une partie de ses conquêtes.

Quelques années plus tard, LouisXIV déclara la guerre à la Hollande, sous prétexte de la punir de son intervention dans la campagne précédente.
Les hostilités commencèrent au printemps de l’année 1672; les Français portèrent leurs armes victorieuses dans les Pays-Bas espagnols, dans le pays de Liège, dans les Pro­vinces -Unies et même au delà du Rhin.

La conflagration devint bientôt générale : le Pays de Liège déclara la guerre à la Hollande le 17 octobre 1672 ; et Espagne, à la France le 15 octobre 1673.
De Sonkeux et Nautet nous ont laissé un récit émou­vant, des souffrances endurées par les Liégeois pendant cette guerre.

Dans le cours des hostilités la ville de Verviers fut occupée par les Français en juillet et août 1673, par les Impériaux de décembre 1674 au 18 janvier 1675, et de nouveau par les Français à partir du 10 juin 1675 .

Louis XIV constatant en 1675 que la guerre tirait à sa fin, prévit quà la paix, il ne pourrait garder toutes ses conquêtes : il devrait, entre autres, rendre certaines places fortes qui pourraient devenir dangereuses pour l'avenir et il ordonna à ses lieutenants de n’en quitter aucune sans la démanteler complètement : et les murailles de Verviers furent démolies.

Donnons ici le récit laissé par de Sonkeux : il est tiré du texte original que M. Chesselet a eu l’obligeance de mettre à notre disposition : il y avait là un petit point d’histoire locale à élucider, les historiens donnant des dates différentes, et les copies de de Sonkeux présentant parfois certaines divergences.

« Démolition des remparts de Vervier. — Les Fran­çois de la garnison de Limbourg entrerèrent en cette ville de Vervier le 15 avril 1676 et furent attachez à nos murailles avec leurs instruments à les démolir, les ma­gistrats ont convenu a M. de Livertier, gouverneur de Limbourg pour le laisser entier par argent, il désistèrent à les abattre le i7me ditto, mais cet accord ne fut que pour un peu de tems, car y estant retourné derechef le iOrae novembre de même année il achevèrent de les démolir, ayant à cet effet commandé tous les bourgeois de la ditte ville, et tous les
 Voir Nautet. Notices historiques sur le Pays de Liège,  suivantes.            -

paysans du Marquisat de Franchimont,. qui, à contre cœur, défirent ce qui avoit épuiser l'argent delà vilîè. Les bâtiments des portes furent conservé par argent, et comme ils vouloient faire sauter la grande thour quarrée sur les heids, derière les Récolets, lesdits pères y ont parvenus, ayant obtenu de M. d’Estrade, gouverneur de la ville de Maestricht la per­mission de le démolir eux même» afin de conserveur leur couvent que les pierres en sautant n’écraseroient ledit cou­vent. Us firent aussi démolir une grosse redoute à la pêcherie, bâtie pour défendre la vanne du moulin, hors la porte de Limbourg, proche cette ville ou on ne pouvoit entrer dans laditte redoute qu’avec une échelle ».

Cette date du lo novembre 1676 se retrouve dans Uii manuscrit appartenant à notre collègue M. Depresseux et portant la suscription : Estât des exposez fait pour la com­munauté de Theux par Gilles Hanster, commençant le iour de son élection à Testât de Bûrguemrê deuxiesme novembre 1676. A la date du 10 novembre 1676 on lit :

« Le mesme iour payé à un messager de Veruier quy at apporté ordre de nuict du Gouverneur de Limbourgh pour faire commander deux cents homes de la marquisat pour trauvailler au démolisiment des portes et murailles de la ville de Veruier......      

Ledit iour 10e novembre payé à Laurent Lacroix pour avoir porté ledit ordre à Monsr Lieutenant Collonel d’Hau- regarde pour faire commander des homes du cartier de la Reyd. pour y auoir esté de nuict 10 patts.

Le 12rae ditto, payé à Grégoire de Thier pour avoir esté à Hautregarde de nuict, porter ordre pour commander des homes pour trauvailler à la démolition des portes et murailles de la Ville de Veruier    iopattz».

Le i3e novembre ie suis esté par auis de Messieurs du Magistrat à Veruier pour treuuer Monseigneur îïrê gouver­neur auffin d’apprendre de luy comênt nous Regler et pour prendre égards sy nostre cost de deux cents homes estoit complet, n’ayeant pas treuuar mondit Seigneur i aye la mesme receu un ordre du Gouverneur de Limbourgh pour
faire commander encore notre cost de deux cents homes aultre et aucjesseur de ceulx deia commandé : dépensé auec les Bürguemrë des autres ban     ^ 12 pattz.

Les murailles étaient renversées. Les Etats du Pays de Liège invitèrent plusieurs fois jusque en 1692 — la ville de Verviers à les relever.

Le 26 septembre 1690 ,lLes bourgmres et Conseil..., ordonnent que toutes les brèches et advenues qui sont allentour de la ville devront être incèssamment ré­parées et bouchées, ensuite des ordres donnés par S. A. que de M le Comte de Lynden, nostre gouverneur, au S r Mo- rayken, commandant de cette ville, notre confrère, auquel effet avons commis et députez comme par cette commettnos et députons les Srs échevins Presseux et Bilstein, nos con­frère respectives, pour donner en ce rencontre les ordres convenables et pourveoir au nécessaire de l’exposé, ordon­nant à notre greffier de dépêcher la présente ».
Mais les grandes guerres de Louis XIV avaient profon­dément modifié le régime militaire : le bon temps des bandes pillardes était passé, l’art de l’attaque et de la défense des places s’était transformé. Réparer simplement les brèches ne devait servir à rien ; telle était du reste la conclusion  donnée le 5 novembre 1690 par un ingénieur après examen des lieux.

Le 22 mai 1692 , le bourgmestre Lepas fut envoyé à Liège à l’effet de « reprïîter (représenter) au Conseil de guerre l’impossibilité qu’il y a d’empescher l’en­trée de cette ville ouverte de toutte part, et tacher d’obtenir une circonduction de la peine audit ordre ».

A partir de ce moment, il ne fut plus question de relever les murailles. Les matériaux en provenant trouvèrent  d’autres destinations : SaurUery (1) nous apprend qu’à la fin du XVIIe siècle les Capucins obtinrent du magistrat d’adosser leur maison aux murailles de la ville et d’en employer les pierres,

 Saumery. Les Délices du Pays de Liége 

Le 10 mars 1698 , les Pères Récollets adressèrent une requête tendant à obtenir des matériaux des murailles de la ville, pour être employés à la construction de la chapelle de « celle que Ton peut dire avoir servi de rempart à Verviers ». Le magistrat accorda les matériaux demandés, à prendre depuis les ruines de la tour sur les Heids jusqu’au bas chemin.

Leu octobre 1750,  le magistrat autorisa les Récollectines à prendre 200 charretées de pierres des murailles de là ville pour la construction d’un cloître rue de Hodimont.
*
*                  *
Les portes avaient été sauvées dans le désastre de 1676. Simonon mentionne encore dans son plan, les portes de Sommeleville, des Waines, de Heusy, de la Xhavéë et de Hodimont. Comme elles n’étaient plus d’aucune utilité et quelles formaient des étranglements très préjudiciables à la circulation elles furent démolies les unes après les autres : Voici à ce sujet quelques renseignements.

Le 27 février 1809 , le con­seil vota la démolition de la porte de Sommeleville.

Le 8 mai 1813 ,, le sous-préfet Perigny ratifia la convention intervenue le 6 avril, entre les communes de Verviers et de Hodimont pour la démolition de la porte de Hodimont et l’élargissement de la voie de communication entre les deux communes : chacune d’elle intervenait pour la moitié des frais.

Le 17 avril 1823 , la démolition de la porte de. la Xhavée fut décidée : elle devenait un danger : la voûte s’était écroulée peu de temps auparavant.
La porte de Heusy, dernier vestige de nos fortifications servit au siècle dernier de prison dépendant du Marquisat de Franchimont, et en ce siècle de bureau d’octrois : à l’abolition de ceux-ci elle fut occupée par divers locataires et fut démolie dans les circonstances suivantes.

Un arrêté royal du 26 novembre 1841 fixa l’alignement de la rue du Brou et de la rue de Heusy. (Conseil 1841, p.328),
43
Diverses constructions, entre autres la porte de Heusy,furent condamnées à disparaître.
On voulut mettre cet arrêté royal à exécution en 1862. A la séance du 21 mars 1862, le bourgmestre donna au conseil communal, lecture d’une dépêche'ministérielle : le Ministre consentait à intervenir pour une somme de 25,ooo frs. dans les frais de l’élargissement de la rue du Brou, mais refusait d’intervenir dans la démolition de la Porte de Heusy qui était la propriété de la Ville.

Sur la proposition du bourgmestre, le Conseil décida de surseoir à la démolition de la porte de Heusy.

A la séance du 19 septembre 1862, il fut donné lecture d’une requête d’habitants des rues de Heusy, du Pont, de l’Abattoir, de Mangombroux, de la chaussée de Heusy, de la place des Carmes et du Marché priant le conseil de décréter la démolition immédiate de la porte de Heusy. Le Conseil décida que les bâtiments de la porte de Heusy seraient démolis au mois de mai 1863, des congés devant être signifiés aux locataires, et les terrains en dépendant concédés à l’Etat et aux particuliers.

Le Conseil arrêta le 14 novembre 1862 que la démolition s’effectuerait le Ier mai 1863, que la démolition aurait lieu par adjudication publique et accepta le prix de 30 francs par mètre carré offert d’une part par M. Decourty, d’autre part par M. Leroy pour le terrain qui resterait disponible.

Séance du 10 avril 1863. Il fut donné lecture d’un rapport du Bureau des travaux, informant que le sieur Roufosse entrepreneur des travaux de construction de l’Abattoir,       offrait le prix de 1600 fr. pour la démolition des bâtiments de la porte de Heusy, sous la réserve de pouvoir réemployer les matériaux convenables dans la construction de l’Abattoir.

Le Conseil accepta cette offre avec la condition que les matériaux ne pourraient être réemployés dans la construction de l’Abattoir qu’après avoir été reconnus susceptibles de remploi par le bureau des travaux.

La démolition commença le Ier mai 1863

Les fortifications s’abîmèrent dans le gouffre de l'oubli.

Verviers, 2 juin 1899.
.









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire